Soms wat clichématige, maar toch interessante tekst van de Franse krant La Croix.
Parfois un peu cliché, mais tout de même un texte intéressant du journal français La Croix.
De Franse katholieke krant Le Croix bracht eind vorig jaar verslag uit over een treinreis dwars door multi-talig België. Of moet je het anders benoemen: dwars door taalkundig opgesplitst België. Beetje hallucinant werd het, die tocht. Ziehier het boeiende verslag van La Croix.
La Croix - 23/10/2009 17:02
Entre Eupen et Ostende:
Voyage au royaume des Belges
Alors que la réforme du pays reste à négocier, ce train parcourt d’un bout à l’autre la Belgique dans toute sa diversité, et pas seulement linguistique
Bruxelles. À 80 % francophone,la capitale fédérale reste le seul endroit du royaume où le bilinguisme est de rigueur (AFP).
Trois heures de voyage, moins de 260 kilomètres, un seul fuseau horaire. Traverser la Belgique dans toute son étendue, en train, n’a rien de comparable bien sûr au Transsibérien. Il n’empêche, depuis la gare de départ ardennaise dans l’est du pays, non loin d’un haut plateau de tourbières à la flore boréale, le terminus maritime d’Ostende paraît loin comme Vladivostok. Le train, sorte de «Transbelgicain», relie des climats et reliefs contrastés. Et il traverse quatre régimes linguistiques distincts.
À Eupen , l’art de vivre à l’allemande
Eupen, d’où il part, est germanophone. « Les gens ici comprennent le français mais il vaut mieux les aborder en allemand », recommande une commerçante native de cette paisible ville située aux confins du royaume belge, tout près de la frontière allemande.
De fait, la langue de Goethe n’est pas seulement d’usage sur les plaques des rues, affiches et enseignes mais dans les conversations à la sortie des classes, au café, avec un accent local prononcé. Même les étals des charcuteries et boulangeries ont des allures bien plus rhénanes qu’en Belgique de l’intérieur. Au-delà de la langue, c’est toute une façon de vivre à l’allemande qui s’épanouit, en particulier lors du marché de Noël, resté des plus typiques, ou du carnaval, inspiré de celui de Cologne.
Les 74.000 habitants des environs, qui constituent la « communauté germanophone », sont considérés comme la minorité la mieux protégée au monde. Dans leur « capitale », Eupen, ils disposent de leur propre gouvernement et Parlement, de leur radiotélévision publique, BRF, et du seul quotidien belge en langue allemande, Grenz-Echo. « Je vends aussi beaucoup Bild et toute la presse allemande », indique une libraire, des couvertures sur Angela Merkel en vitrine. « Les habitants ici sont tournés vers les chaînes allemandes, dont la publicité influence leur consommation », observe Alexander Homann, journaliste à la BRF : « Ils se tiennent bien informés de la vie politique du pays voisin. »
Mais en restant attentifs au devenir de la Belgique. Dernière venue au pays, en 1925, avec une annexion passagère au Reich pendant la Seconde Guerre mondiale, la communauté germanophone est réputée la plus attachée à l’unité de sa patrie protectrice. Et à ses souverains. Les portraits du roi et de la reine des Belges s’accrochent ici plus volontiers qu’ailleurs. Le jour de la fête communautaire locale coïncide à dessein avec celui du Te Deum au Roi, chaque 15 novembre. La Belgique vaut largement une messe dans ce pays, moins sécularisé que la partie francophone voisine. À l’exemple de ce crucifix dans le préau d’une école publique d’Eupen. Mais être de bons Belges signifie aussi faire bon usage de l’allemand, troisième langue officielle du royaume.
À la compagnie des trains, le casse-tête linguistique
La Compagnie des chemins de fer belge (SNCB) le sait. «Willkommen im Zug nach Ostende» (bienvenue dans le train pour Ostende ) est affiché dans les voitures au départ d’Eupen. Les noms allemands des villes belges desservies sont ensuite déclinés avec leur traduction française entre parenthèses : « Lüttich (Liège), Löwen (Louvain)… » Toutefois, sitôt quitté les cantons de l’est germanophones, à Welkenraedt, l’affichage passe au seul français. Les annonces à bord aussi : « Prochain arrêt Verviers-Central. » Sans autre forme de traduction. « En tant qu’entreprise publique fédérale, nous respectons le régime linguistique de chaque région traversée», justifie Anne Woygnet, porte-parole de la SNCB. N’en déplaise au Thalys pour l’Allemagne, croisé sur l’autre voie, où l’on informe les voyageurs en quatre langues, quel que soit le pays parcouru. Notre train traversant pour l’heure la Wallonie, il s’en tient au français.
Autour de Liège, l’histoire industrielle se dessine
Le paysage n’a de toute façon rien à voir avec le « plat pays » flamand qui sera chanté plus loin. De tunnels en viaduc surplombant une rivière, le train traverse les Ardennes, empruntant des courbes encaissées dans un défilé rocheux. La pente atteint même 3 % au sortir de Liège-Guillemins. La gare flambant neuve de la capitale économique wallonne fait aujourd’hui la fierté de la SNCB, avec celle d’Anvers-Central entièrement restaurée et d’autres projets à travers le territoire.
Dans un pays qui est né et qui a grandi avec le chemin de fer, la SNCB reste une enseigne nationale. Mais l’exemple se fait plus rare. L’avenir des hauts fourneaux de Liège dépend de Lakshmi Mittal. Le service d’électricité, Electrabel, appartient à GDF Suez. SN Brussels Airlines, reliquat de l’ex-Sabena, est entre les mains de Lufthansa et le chocolat Côte d’Or dans celles de l’américain Kraft. Les agences Fortis sont aux couleurs de BNP Paribas. Restent toutefois de grands groupes, tels Solvay dans la chimie ou Delhaize et Colruyt dans la grande distribution. Ou encore la multinationale InBev, l’un des plus grands brasseurs mondiaux, dont on aperçoit le siège depuis la gare de Louvain.
Entre Flandre et Wallonie, une frontière sociale et religieuse
Pardon, « Leuven » : le train est entré en Flandre. Le même contrôleur n’annonce donc les arrêts qu’en néerlandais tandis que, sur le panneau lumineux à bord, SNCB est devenu NMBS. Et sur l’autoroute longeant la voie ferrée, c’est « Brussel » qui est indiqué. Mais la frontière n’est pas que linguistique. Le taux de chômage, le pouvoir d’achat, l’espérance de vie, la pratique religieuse, tout diffère selon qu’on vit au nord ou au sud du pays.
À bord du train, on ne feuillette pas non plus les mêmes journaux. Un passager lit le quotidien gratuit Metro dans son édition française, en vert. Tandis qu’un autre tient en main la version flamande, en bleu. Même « une » ce jour-là sur la canonisation du P. Damien et même dernière page sur la victoire des Diables rouges contre la Turquie en football, seul sport resté fédéral. Mais tout change dans les pages intérieures. À l’exemple des programmes des soirées télé : chaînes francophones belges et chaînes françaises dans l’édition verte ; Een, Canvas, VTM et autres chaînes néerlandophones dans l’édition bleue.
Montant à « Leuven », casque sur les oreilles, une étudiante écoute de la musique. Serait-ce du Clouseau ? Le groupe de Koen et Kris Wauters, qui chante en néerlandais, fait fureur en Flandre. Mais il fait aussi parler de lui côté francophone par son tout dernier titre bilingue en faveur de l’unité du pays : « Leve België ! Oh, vive la Belgique. »
À Bruxelles, les élus ne rient pas des mêmes choses
« Nous arrivons à Bruxelles-Nord. We komen aan in Brussel-Noord », annonce le chef du train. Le bilinguisme, le train Eupen -Ostende le pratique aussi mais dans la seule région où il est de rigueur, la capitale belge. La métropole est toutefois à 80 % francophone. Les Flamands y ont leur quartier autour de la rue Dansaert, leurs cafés, le siège de leur propre gouvernement et Parlement. Et aussi leur université, sise à côté de la francophone ULB (Université libre de Bruxelles).
Passer d’une université à l’autre assure un tel dépaysement que certains étudiants y effectuent l’équivalent d’un séjour Erasmus ! « Plutôt que de me rendre en Espagne ou en France ou de devoir prendre chaque jour le train pour Leuven, j’ai préféré aller en face », raconte Maxime Rotsaert, francophone de 28 ans. Étudiant en communication à l’ULB, il a découvert côté flamand « un équipement bien plus moderne, des classes beaucoup plus petites et un contact plus décontracté et direct avec les professeurs, du genre à l’anglo-saxonne ». Même différence d’attitude sur le petit écran. « À la télé flamande, les journalistes sont plus incisifs avec les hommes politiques alors que leurs homologues francophones montrent plus de déférence », distingue-t-il.
« De toute façon, beaucoup de ministres francophones du gouvernement fédéral n’iraient pas sur un plateau de télé flamand car ils ne parlent pas assez bien le néerlandais », reconnaît une députée fédérale d’une formation modérée francophone. Après la gare de Bruxelles-Nord, le train traverse en souterrain le centre-ville, passant tout près du Parlement fédéral belge. « On ne rit pas des mêmes choses », poursuit l’élue qui négocie au quotidien avec ses homologues flamands d’autres partis. Il n’existe d’ailleurs plus de parti national en Belgique. « Pour les Flamands, nous sommes des empêcheurs de tourner en rond, des bavards plein de principes et d’idéaux mais au final des conservateurs. Eux restent droits et réservés, aiment le concret, ce qui marche, sans idée préconçue », définit la députée : « À Bruxelles, ils nous voient comme des grands bourgeois plus soucieux de leur confort que de faire des affaires. Eux, ce sont des paysans enrichis » qui n’aiment guère Bruxelles.
À bord du train, les « navetteurs »
Le train quittant la capitale est rempli de « navetteurs », belgicisme pour désigner ceux qui font la navette entre leur travail et leur domicile, même lointain. « De volgende halte ist Gent Sint-Pieters » («Le prochain arrêt est Gand Saint-Pierre ») annonce le chef de train, renouant avec l’unilinguisme une fois sorti de l’agglomération bruxelloise. Le Flamand rentre le soir dans sa maison, sur sa terre. Même lorsqu’il était premier ministre, le Gantois Guy Verhofstadt regagnait sa ville d’origine. Idem pour son successeur Yves Leterme, qui rejoignait Ypres, bien plus loin.
Le train, lui, file vers Bruges. Le voilà, défilant à la fenêtre, ce « plat pays ». Au ciel pas si bas cet après-midi-là. Avec d’impeccables pistes cyclables, plus développées qu’en Wallonie, à la campagne plus escarpée. Des vaches qui ne regardent pas passer les trains mais broutent docilement. La grève du lait est surtout suivie bruyamment par les producteurs wallons. Tout comme une récente grève des postes. L’entreprise publique est pourtant fédérale et sa réforme des facteurs concerne tout le royaume. Mais le sud compte plus d’agents statutaires, et le nord plus d’intérimaires. Le récent débrayage pour protester contre la réforme postale a donc pour l’essentiel été suivi côté francophone.
À Ostende , une seule mer, pour tout le pays
« Oostende Eindstation ». Le train arrive à destination, le terminus d’Ostende . Les mouettes volent au-dessus du quai, annonçant la mer du Nord toute proche. Les mâts des bateaux se dressent dès la sortie de la gare. À quelques mètres s’étend la côte belge. Ou « côte flamande », préfèrent les esprits flamingants. « La Côte », « De Kust », tout simplement. Il n’y en a de toute façon qu’une possible. Et elle appartient à tout le pays.
« Nous avons une clientèle à 60 % flamande et à 40 % francophone », évalue Luc Van Caenegem, restaurateur en bord de mer, reprenant le partage démographique national. « Quand il pleut, nous voyons davantage de francophones parce qu’eux ont dû bloquer un jour pour venir depuis Liège ou Charleroi alors que les Flamands d’Anvers, qui sont plus près, se décident à la dernière minute, s’il fait beau », ajoute-t-il en souriant. Dans les Ardennes, qu’aiment tant arpenter les Flamands mais dont sont plus proches les francophones, ce doit être l’inverse.
Quelle que soit la météo, Ostende est volontiers bilingue et, somme toute, peu flamande. Dos au casino, alignées sur les bancs publics, des personnes âgées profitent des derniers rayons de soleil près de la mer. Cette partie de la promenade bétonnée ostendaise est surnommée « le petit Nice » car elle est la plus abritée et la mieux exposée au Midi. Il n’y a pas foule en ce début de basse saison, au contraire de l’été qui voit, chaque année, toute la Belgique se retrouver sur sa côte.
Selon le linguiste Jean-Marie Klinkenberg, c’est le seul moment et le seul endroit pour voir fleurir « la culture belge ». Bof, et la fête nationale, les matchs des Diables Rouges ou de Kim et Justine? « Deux à trois mois par an sur une bande de sol friable, large de quelques centaines de mètres, longue de quelques lieues, décrit-il dans Petites mythologies belges (Éd. Impressions nouvelles), Flamands, Wallons et Bruxellois cessent d’être des prénoms. Belge est pour le temps d’un congé payé leur nom de famille. » C’est par la côte belge, à La Panne, que le premier « roi des Belges », Leopold, est entré l’été 1831 dans son nouveau royaume qu’il ne connaissait pas. La côte, poursuit l’universitaire, « est simplement le lieu où la Belgique finit ; à moins que ce ne soit celui où elle commence ». À la gare d’Ostende , un autre train repart pour Eupen.
Sébastien MAILLARD, à Eupen-Ostende