Les patrons en ont plein le ...

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Lettre ouverte aux présidents des partis francophones « Si ça continue, je ne vote plus : je tire ! »

Olivier Lefebvre et Yves Delacolette

dimanche 09 janvier 2011, 20:28

Le patronat s'inquiète de la crise politique et presse les négociateurs d'aboutir à une solution. Dans une lettre ouverte au "Soir", deux d'entre eux osent le mot: ils en ont marre. Il appelent les partis francophones à arrêter de négocier à reculons et à présenter une vision novatrice et audacieuse. De 12 à 13h, chattez avec les deux auteurs.

Ça, c'était Bedos en ‘81. Aujourd'hui c'est nous, les citoyens. On en a tous marre.

Bientôt dix mois sans gouvernement alors que le crédit international de la Belgique est explicitement mis en cause. Des présidents de partis qui se tirent la barbichette depuis 2007. Le méticuleux travail d'équilibriste de Johan Vande Lanotte mis en pièce par la N-VA et le CD&V. C'en est trop. C'est révoltant.

Reconnaissons quatre mérites à la N-VA. Un : la défaite de l'extrême droite aux élections de juin. Deux : la cohérence. En effet, ses statuts (« Onafankelijke Republiek Vlaanderen » et la nécessité d'une majorité spéciale pour entrer au gouvernement) font que, pour elle, gouverner est un mal dont elle n'accepte pas la nécessité. Trois : elle respecte le mandat de ses électeurs en adoptant cette posture en ligne avec l'intransigeance de ses propos de campagne. Quatre : elle a sorti les partis francophones d'un tel immobilisme que les Flamands avaient fini par y voir une forme insultante d'autisme.

Le CD&V, lui, est clairement hors mandat par rapport à son électorat. Il vient même de le trahir. Ce parti – qui a fourni les principaux leaders du redressement économique dans les années 80 et 90 – n'a quand même pas été élu pour amener le pays au bord de la falaise en pleine bourrasque financière internationale ! Donc oui, le CD&V se moque du monde en prétendant se démarquer de la N-VA alors que, si on en juge par les actes et non les discours, il n'y a pas la place pour une feuille de papier Bible entre les membres du cartel prétendument défunt. Avec 11 % des sièges à la Chambre, le CD&V prend le pays en otage, en prétendant le défendre. Mais qu'attendent les Eyskens, Thyssen et autres Torfs pour brûler leurs cartes de parti ? Si, comme ils le disent, « la séparation négociée de la Belgique est une illusion totale et la sécession de la Flandre – quoique possible – une mutilation à cause de la perte de Bruxelles », qu'ils agissent, verdomme !

Vous, partis francophones, êtes également hors mandat. Vous êtes allés infiniment plus loin dans les négociations que tout ce que vous avez promis à vos électeurs. Nous saluons donc votre courage et votre volonté réelle de rencontrer les revendications profondes et répétées de la majorité du pays. Mais pour le reste, vous portez une double responsabilité dans ce marasme : celle d'avoir fait depuis des années le lit du séparatisme – ce qui aujourd'hui castre les partis traditionnels flamands – et celle de ne toujours pas avoir élaboré votre propre vision d'un nouveau fédéralisme belge qu'il faut proposer tant à vos électeurs qu'aux partenaires du Nord : un fédéralisme radical (déplacement du centre de gravité) et responsable (notamment financièrement), basé sur les Régions dont une, Bruxelles, voit son bilinguisme (voire le trilinguisme pour affirmer davantage son rôle européen) renforcé.

Il faut aussi avoir le courage d'accepter en échange de la consécration de Bruxelles comme région à part entière et d'un accord sur « Brussels Metropolitan » la scission de BHV et la suppression à terme des facilités. Il faut accorder à la Flandre l'unilinguisme qui lui est cher.

Nous, co-fondateurs de « Make It Smart and Simple : Belgium » (www.miss-belgium.org), nous vous avions déjà envoyé, avant les dernières élections, les 8 propositions de centaines d'autres citoyens pour vous aider à sortir de l'ornière. Aucun de vous n'a répondu.

Alors, 8 mois plus tard, qu'en pensez-vous ?

Le vrai courage politique pour vous, leaders francophones, serait donc d'arrêter de négocier à reculons et de présenter d'une seule voix une vision novatrice et audacieuse du pays. De la publier conjointement en pleine page dans tous les journaux flamands. D'y expliquer votre vision d'un fédéralisme simplifié, responsable et radical, et d'y affirmer clairement votre manière de rencontrer les aspirations flamandes tout en précisant que vous n'accepterez jamais une coquille fédérale vide et un étranglement ou une mise sous tutelle de Bruxelles. Engagez-vous aussi à réformer les gouvernances bruxelloise et wallonne pour assurer solidarité et prospérité. Expliquez enfin que l'alternative est la séparation négociée ou la sécession de la Flandre. Qu'entre les deux, c'est bien la majorité des Flamands (ou de leurs élus) qui vont décider. En somme : convainquez la Flandre responsable de dresser un cordon sanitaire autour du séparatisme. De plus, ce n'est même pas contraire aux aspirations de Bart De Wever : entrer dans l'Histoire comme l'initiateur de cette révolution copernicienne.

Les élections qui paraissent de plus en plus inévitables seraient sans intérêt voire pernicieuses, si on ne change pas la donne. Une répétition du scénario du 13 juin avec de mâles discours de part et d'autre, ne permettra en rien d'avancer, voire renforcerait les blocages.

A ce sujet, petit rappel : en démocratie à la proportionnelle, une seule loi s'applique pour former un gouvernement : l'arithmétique. Dire qu'en démocratie celui qui a gagné les élections « doit prendre ses responsabilités » est une imposture qui permet de valider le putsch institutionnel auquel on assiste. Doit donc diriger le pays celui ou celle qui fédère une majorité forte. Point à la ligne.

Aussi, des élections quasi référendaires sur des projets clairs de réformes redonneraient vraiment la main aux citoyens. Pour cela, il faudrait que les partis se présentent aux électeurs avec un projet clair pour la Belgique (ou pour la République de Flandres, c'est selon), afin que ceux-ci puissent décider en connaissance de cause. Pour cela, il faut que ces projets soient faisables, donc quantifiés et acceptables par l'autre Communauté. Pas de simples vues de l'esprit inapplicables, mais dont les principes seraient pré-négociés avec les contreparties qui le souhaitent, « à la Vande Lanotte ».

Alors, aux urnes Citoyens ? Bien sûr et il est grand temps qu'on nous consulte ! Mais à condition que cela permette de donner des mandats clairs et une légitimité démocratique au futur institutionnel de la Belgique.

Ce que nous voulons – pardon : exigeons – est que nos responsables politiques et leurs démarches soient à la hauteur de l'enjeu : historiques.

Olivier Lefebvre

Identités multiples : Wallon, Belge francophone, issu d'une famille zinneke, Européen convaincu, et citoyen du monde. Economiste, Administrateurs de sociétés. Président Honoraire d'Euronext Brussels, Ancien Chef de Cabinet du Ministre des Finances Philippe Maystadt. Président du conseil d'administration d'Option, la société technologique louvaniste. Co-fondateur de « Make It Smart & Simple : Belgium » (M.I.S.S.-Belgium : www.miss-belgium.org)

Yves Delacollette

Bruxellois d'origine, Flamand d'adoption, passionné par tout ce qui – de près ou de loin – permet à l'individu d'affirmer sa liberté et de vivre harmonieusement en société. Juriste de formation, économiste par déformation. Ancien président de la Deutsche Bank Belgique. Dirigeant d'entreprise. Co-fondateur de « Make It Smart & Simple : Belgium » (M.I.S.S.-Belgium : www.miss-belgium.org)

Moi, je suis Belge, Européen en citoyen du monde. Gardons les choses simples.

Avec les patrons les choses sont simples: ils veulent développer leurs affaires. Point.