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 L'engagement politique et le bonheur - Het politieke engagement en het geluk

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PostSubject: L'engagement politique et le bonheur - Het politieke engagement en het geluk   L'engagement politique et le bonheur - Het politieke engagement en het geluk EmptyTue Jun 07, 2011 9:02 pm

Texte motivant pour ceux qui choississent la vraie action politique et contestataire ! Motiverende tekst voor al wie voor het nieuwe politieke engagement kiest !

LA LIBRE BELGIQUE

L'engagement politique et le bonheur - Het politieke engagement en het geluk B.U.B._10.07.2010_(3)

Engagez-vous !

Charlotte LUYCKX Maître de conférence à l’UCL - Institut supérieur de philosophie

Mis en ligne le 07/06/2011

Entre le "jeune cadre dynamique" et le "nihiliste fumeur de pétards", je vous propose une nouvelle voie. Comment garder l'engagement du premier et l'aspiration du second à la liberté et à un système juste? Une opinion de Charlotte LUYCKX, maitre de conférence à l'UCL
Je voudrais parler d’un défi de société : l’engagement. Et je voudrais le faire à partir d’un petit croquis caricatural de deux profils que je distingue chez les "jeunes" à l’heure actuelle (15-35ans) : le "jeune-cadre-dynamique" et le "nihiliste-fumeur-de-pétards ".

Le "jeune-cadre-dynamique" s’engouffre dans le système avec ferveur et dévotion. Il fonctionne avec un kit de croyances bien positives sur la vie, le couple, le travail et la société: la science résoudra les problèmes écologiques, le développement économique rendra les riches plus heureux et les pauvres moins pauvres, le mariage est synonyme de bonheur, le travail : c'est la santé Il se lance dans son travail et dans son épargne avec l'enthousiasme et l'assurance d'un missionnaire : il est dans le bon. Et il a le vent dans le dos : toute la batterie d'idées, de croyances et de "certitudes" qui ont contribué à façonner la société contemporaine vont dans son sens. En augmentant son pouvoir d'achat, il augmentera sa prestance et son bonheur pour lui et sa famille : les chiffres de son compte en banque mesurent son degré de réalisation de soi.

Pour quiconque est doté d’un minimum d’esprit critique, ce jeune premier donne l’impression de fonctionner avec une vision du réel un peu périmée : une bonne paire de lunettes et un sonotone lui font manifestement défaut. Il y a de véritables problèmes inhérents au fonctionnement sociétal actuel : ce n’est pas un scoop. Parmi eux, citons : l’urgence écologique, l’accroissement vertigineux des inégalités sociales et économiques, l’accroissement du mal-être en Occident proportionnel à l'augmentation du confort au-delà d’un certain seuil (taux de suicides et d'antidépresseurs faisant office d’indicateurs de malheur), l’appauvrissement du Quart monde, le métro-boulot-dodo en perspective, la solitude des grandes villes et des campagnes, le divorce généralisé et normalisé, la délinquance juvénile en plein essor, etc.

Indéniablement, nous héritons d’un monde problématique. Pour avoir l’ambition et l’envie de s'engager joyeusement, corps et âme, dans la société telle qu'elle est, il faut soit être aveugle, soit lourdement aliéné. C’est du moins ce que pense notre autre cas de figure qui choisit, pour sa part, de s’efforcer de renoncer autant que faire se peut à tout ce qui peut ressembler à un engagement dans cette espèce de grande "matrice" qu'est, à ses yeux, le "Système". Le "nihiliste-fumeur-de-pétards" refuse tout en bloc : ni travail, ni parti, ni famille.

Alors que le jeune cadre a une foi totale dans le fonctionnement actuel de la société, notre rebelle est un sceptique accompli : il est la figure vivante du nihilisme éclairé. D’une critique -certes pertinente- de la société et de la condition humaine, il a conclu que la vie ne valait pas la peine qu’on s’y engage, il sait que le combat est perdu d’avance. Mieux vaut, pour lui, se libérer de toute forme d’investissement et éviter toute contrainte À quoi bon ? Il vit ce renoncement comme une grande libération. Les "autres", ceux du "Système", sont les moutons de la grande matrice. Lui et les siens, libérés enfin, préfèrent s’amuser entre amis autour d'un pack de canettes et d'un bon pétard. Alors que le jeune cadre dynamique semblait à divers égards inconscient, ce nihiliste buveur de bière est lucide dans sa critique : il constate que le monde et l'existence humaine ne sont pas dénués de problématicité.

Mais si sa critique est pertinente, le chemin esquissé par son désengagement semble relativement stérile : exerce-t-on pleinement notre liberté en nous acquittant de toute contrainte ? Je pense que non. La voie du nihilisme est sans issue, elle ne mène nulle part, si ce n'est au suicide. Les déterminations, et donc l'engagement, sont la condition de possibilité de l'exercice réel de la liberté. La liberté toute puissante est une abstraction. Nous sommes des êtres incarnés, donc limités, et c'est au cœur même de la contrainte qu'il nous est possible de vivre une véritable liberté, source de bonheur. L'engagement est aussi ce qui signe le passage à l'âge adulte : le nihiliste reste un grand adolescent, bercé par l'illusion qu'il est libre. Il se complaît dans un sentiment d'absurdité de l'existence qui sert d’alibi à son alcoolisme et à son absence de prise de responsabilités.

Je cherche une voie du milieu entre ces deux extrêmes, qui puisse garder du premier le courage, l’enthousiasme et le défi de l’engagement tout en ne faisant pas fi de l’aspiration du second à une plus grande liberté, à une existence plus sensée et à un système juste au sein duquel il vaille la peine de s’engager. Le problème majeur de cette tierce voie est qu’elle est seulement en train d’émerger et n’est donc pas très visible sur la scène sociale. Il s’agit, en quelque sorte, de la créer.

Je propose d’appréhender intellectuellement cette tierce voie au moyen du concept de reliance (2), qui renvoie à la démarche intuitive au cours de laquelle on se relie à soi-même, aux autres et à la nature. Pour agir dans un monde en changement sans se perdre, se fait sentir la nécessité d’un recentrement, permettant la découverte de repères intérieurs neufs, d’ordre émotionnel, intuitif et esthétique. L’œuvre de création de nouveaux modes de vie commence, en mon sens, par la démarche de reconnexion avec nous-mêmes. À travers cette démarche de reliance à soi, nous découvrirons par la même occasion que l’autre n’est pas une entité étrange et séparée : ses expériences ont un écho en moi, je les connais intuitivement. On se rendra alors compte que bien que l’on soit existentiellement seul, on est parmi les autres. Peut-être les injustices qui dessinent la ligne de partage classique entre nos pays, prospères, et ceux du Sud nous deviendront-elles enfin insupportables et pourrons- nous, dès lors, penser et assumer des limites à nos propres libertés de consommer, de produire et d’extraire.

Parallèlement, on découvre que la communauté humaine s’inscrit dans la nature et que son développement ne se fait pas "hors sol". Peut-être la voie de la reliance nous permettra-t-elle de faire l’expérience de l’interconnection entre les êtres vivants. Reliés à la nature et conscients de notre valeur, nous pourrons inscrire nos activités dans la nature plutôt que de nous organiser à ses dépens. La nature, sa beauté, son équilibre dynamique, ses cycles pourront peut-être dès lors fonctionner eux aussi comme des limites, des contraintes pour l’agir humain, à partir desquels il nous serait loisible d’explorer de nouvelles voies de développement.

Un des défis majeurs de notre génération me semble être de parvenir, dans l’action, à faire entrer en résonance ces trois dimensions -intériorité-société-écologie- plutôt que d’en faire des catégories auto-excluantes. Pour cela, nous devons impérativement nous "libérer du connu". Nos modes de vies, d’habiter, de nous nourrir, de nous vêtir, de vivre ensemble : tout est à repenser. En ce sens, l’engagement critique et créatif dont ce petit texte fait l’apologie implique l’exercice d’un certain courage : être véritablement citoyen suppose, dans certaines situations, une forme de "désobéissance" (3) par rapport à ce qui s’est toujours fait pour ouvrir de nouveaux possibles. Pour échapper à l’angoisse d'une vision nihiliste de la vie et à l'aliénation étouffante d'un mode de vie positiviste, nous faisons ici l’apologie d’un engagement sous le signe de la résistance et de la reliance.

Savoir Plus

(1) Ce texte est extrait du livre "Soif d’autre chose Revenir à l’humain" dirigé par Philippe Béague (Bruxelles, Couleur livre asbl, 2009). Il s’agit d’un ouvrage collectif rassemblant vingt-trois auteurs pour témoigner de ce qui, aujourd’hui, donne du sens à leur vie face à la sinistrose ambiante. Parmi eux : Albert Jacquard, Edgard Morin, Matthieu Ricard, Jean florence, Thomas Lemaigre, Françoise Chebaux, Jean-Michel Longneaux, Thomas Gunzig, Martin Gray, Bruno Coppens... (2) À ce propos, voir Marcel Bolle de Bal ("Voyage au cœur des sciences humaines. De la reliance" [2 tomes], Paris, l’Harmattan, 1996) et Edgar Morin (la "méthode- 6. L’éthique" Paris, Seuil, 2004). (3) Celle-ci peut être entendue au sens de la "désobéissance civile" :"La désobéissance civile peut être définie comme un acte public, non violent, décidé en conscience, mais politique, contraire à la loi et accompli le plus souvent pour amener un changement dans la loi ou bien dans la politique du gouvernement. En agissant ainsi, on s’adresse au sens de la justice de la majorité de la communauté et on déclare que, selon une opinion mûrement réfléchie, les principes de coopération sociale entre des êtres libres et égaux ne sont pas actuellement respectés" (Rawls, J., "Théorie de la justice", trad. franç. de C. Audard, Paris, Seuil, 1987, p. 405). Titre et sous-titre sont de la rédaction. Titre original: "Plaidoyer pour un engagement critique mais créatif dans la vie" - "Reliance et résistance".
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