Notamment en raison de la régionalisation - ondermeer wegens de regionalisering...
LA LIBRE BELGIQUE
Votre patrimoine, votre succession, vos héritiers... et vos droits?
Dorian de Meeûs
Mis en ligne le 02/02/2013
« Faire un don pour échapper aux droits de succession, ce n’est ni illégal, ni abusif ! »
Succession, donation, fondation,... Certes, la matière est complexe. Certes, sa régionalisation ne simplifie pas l’explication. Mais prenons le temps de revenir sur ces notions fiscales afin de mettre un terme à des préjugés, rassurer face à certaines craintes et rappeler les règles qui prévalent en matière de successions et de donations. Car, disons-le haut et fort, vouloir limiter les droits de succession sur son patrimoine… n’a rien d’illégal !
Droits de succession très vite exorbitants
C’est en Flandre que le ‘taux maximal’ des droits de succession est le plus faible. Il plafonne tout de même à 65%, alors qu’il est de 80% en Wallonie et à Bruxelles sur les tranches au-delà de 175.000 euros dans la capitale et de 75.000 euros en Wallonie. Ces taux exorbitants sont d’application pour une succession à un tiers, soit à une personne qui n’est ni en ligne directe, ni époux ou cohabitant, ni frère ou sœur. Pas vraiment étonnant que des taux à 80% suscitent certaines indignations, d’autant que ce patrimoine a – presque toujours – déjà été imposé d’une manière ou d’une autre. Retrouvez ici tous les tarifs des droits de succession par région.
L’avocat-fiscaliste Maurice Eloy précise : « Pour les héritiers en ligne directe (enfants et petits-enfants), ainsi que les époux ou cohabitants, les taux varient entre 3 et 30% selon les tranches à Bruxelles et en Wallonie. Mais ces tarifs augmentent à une vitesse faramineuse. Dans le cas d’un frère et une sœur, le taux est de 25% sur la tranche 12.500-25.000€, et de 50% sur la tranche 75.000-175.000€. »
Faire un don à… 0%, c’est possible !
Avant toute chose, précisons qu’un don manuel, soit de la main à la main, n’est pas imposé ni limité. Pour cela, un écrit n'est pas indispensable, mais il permet de prouver la valeur et l'existence du don manuel à une date précise. Cela dit, la rédaction d'un écrit peut le cas échéant s'avérer risquée fiscalement.
Face aux taux de succession qu’on vient d’évoquer, il n’est pas étonnant que les dons manuels soient plébiscités dans notre pays. Et pour cause, un don de ce type n’est pas du tout imposé (0%) si le donateur est toujours vivant 3 ans après la donation. Par contre, si le donateur décède dans les 3 ans, le don sera pleinement intégré à la succession, et sera donc soumis aux droits de succession classiques. Pour les biens mobiliers, il est possible d’éviter ce ‘risque des 3 ans’ en optant pour une donation tarifée. Dans ce cas, des frais de donations sont payés une fois pour toute. Le taux variera entre 3 et 7.7% selon les Régions et selon les liens de parenté entre celui qui fait le don et celui qui le reçoit.
Prenons un premier exemple. Oncle Jules, célibataire sans enfant, veut donner 100.000€ à sa nièce Nicole et s’assurer que cette dernière ne paiera jamais de droits de succession. Il suffira à oncle Jules de faire un don tarifé – dans ce cas précis – à 7% en Région bruxelloise ou 7.7% en Région wallonne. Par contre, si oncle Jules accepte de prendre le risque des droits de succession à payer en cas de décès dans les 3 ans, il peut se limiter à faire don manuel ou un virement bancaire (donation indirecte). La date du virement faisant preuve. Dans ce cas, il est impératif de ne rien mentionner comme communication sur le virement afin d’éviter que le fisc ne se retourne contre Nicole. L’acte doit être neutre, sinon Etat pourrait lui reprocher de ne pas avoir enregistré ce don et d'avoir ainsi évité de s’acquitter des 7% ou 7.7% de droits de donation.
Si une grand-mère désire donner son patrimoine mobilier (actions, sicav, obligations) à ses petits-enfants tout en continuant à percevoir des rentrées d’argent (dividendes), elle peut prévoir dans les modalités de la donation de garder l’usufruit de ce portefeuille. Tout comme elle peut exiger que ses petits-enfants puisent dans ce patrimoine si elle en a besoin : accident, hospitalisations, dépenses exceptionnelles et essentielles. Même scénario pour l’immobilier : la maison sera mise aux noms de ses héritiers, mais une clause peut prévoir qu’elle y réside jusqu’à son décès.
Donner sa maison
Pour le don d’un bien immeuble, ce sont les droits d’enregistrement qui déterminent la facture fiscale. Tout comme pour les droits de successions, elle peut vite être salée. Cela dépendra des taux régionaux, des liens entre les parties et de la nature de l’immeuble. Mais - concrètement - les taux appliqués sur les immeubles restent inférieurs aux droits de succession classiques. Notons au passage qu’il y a des tarifs préférentiels pour l'immeuble dans lequel le donateur a son habitation.
Ex. Paul veut donner sa maison namuroise évaluée à 300.000€ à son ami Luc. Ce don sera imposé à 80%. Selon Maurice Eloy, il est en principe possible d’éviter un tel tarif : « Si Paul a 300.000 € en cash. Il donne ce montant à Luc qui pourra ainsi immédiatement acheter la maison… et donc rendre l’argent à Paul. Au final, il n’aura déboursé que les droits d’enregistrements, soit 12.5%. Un don abusif ? Non pas si l’acquéreur possède l’argent au moment de l’achat. »
Notre interlocuteur ajoute que les craintes d’être sanctionné pour ‘abus fiscal’ sont rarement justifiées : « Faire un don pour échapper aux droits de succession, ce n’est ni illégal, ni abusif ! Les gens ont très souvent peur de faire quelque chose de condamnable et d’être poursuivis pour cela. Mais rien n’est illégal tant que la législation sur les donations est respectée! La situation est problématique lorsqu’un montage financier suspect est mis en place uniquement pour échapper aux droits de succession de manière tout à fait artificielle. »
Donations aux Pays-Bas, moins chère
De plus en plus de Belges font acter leurs donations devant un notaire néerlandais. Ainsi, ils ont un contrat de donation légal avec des modalités précises et reconnues. A l’inverse, un don manuel ou un virement bancaire ne peut être assorti de conditions. De plus, cet acte devant notaire permet d’avoir une ‘date certaine’ pour ce don opposable au fisc (preuve de la date de l’acte). Un tel acte devant un notaire belge serait - lui - soumis à un droit d’enregistrement, contrairement aux Pays-Bas. D’où son attrait.
Une fondation, pas forcément intéressant
Nombreux sont ceux qui ont critiqué la reine Fabiola pour la création de sa fondation privée afin – selon eux – d’échapper aux droits de succession. Qu’on se le dise, une fondation privée n’est pas l’option la plus efficace et rentable pour réduire les coûts au maximum. Quand le donateur place son patrimoine dans une fondation, après avoir payé 7% de droits (sauf don manuel à 0% ou virement bancaire, sous réserve du délais de 3 ans), il tire un trait définitif sur la gestion de ses biens, car celle-ci sera assurée par un conseil d’administration non rémunéré qui aura la charge de faire respecter les instructions et statuts qui orientent l’affectation désintéressée du patrimoine.
Exemples de l’utilité d’une fondation ? Assurer la gestion responsable de la vie d’un handicapé, d’un étudiant qui doit financer ses études,… En clair, la fondation doit avoir une mission d’intervention à long terme avec des objectifs désintéressés pour les administrateurs.
Le recours à une fondation peut également se justifier lorsque le défunt laisse son patrimoine à des héritiers éloignés ou sans lien de parenté. Dans ce cas, on recourra à la technique des ‘legs en duo’. Celle-ci consiste à faire deux legs, l’un à votre héritier et l’autre à la fondation, à charge pour cette dernière de reverser un montant déterminé à votre héritier tout en payant les droits de succession sur les deux legs. Outre le fait que celle-ci permet de laisser davantage à votre héritier (économie en droits de succession), cette technique permet également de transmettre une belle somme à la fondation.
Comment accepter une succession ?
Si un héritier refuse une succession par crainte de découvrir des dettes cachées, c’est l’Etat qui réceptionnera la succession, soit l’actif et le passif de la personne décédée. Les fiscalistes conseillent à leurs clients d’accepter toute succession ‘sous bénéfice d’inventaire’, ce qui permettra de voir s’il existe un passif caché et de ne bénéficier de la succession que si cette dernière présente un solde positif. « Il ne faut jamais accepter un héritage purement et simplement afin d’éviter les mauvaises surprises. C’est trop risqué ! Imaginez qu’un don fait à une maîtresse – parfaite inconnue – soit soumis à un droit de succession ou qu’une dette inconnue refasse surface… cette succession peut vous coûter très cher ! » nous prévient le fiscaliste Cédric Marcus.