LA LIBRE BELGIQUE
Attentat d'Oklahoma City: 15 ans après, l'Amérique de la haine fait florès AFP Internet
Mis en ligne le 18/04/2010
Selon Heidi Beirich, directrice de recherche au Southern Poverty Law Center, qui traque les activités des milices d'extrême-droite, ces groupes et groupuscules ont connu une expansion sans précédent.
L'Amérique nourrie à la haine antigouvernementale, volontiers armée, a le vent en poupe, à l'heure où le pays s'apprête à commémorer le quinzième anniversaire de l'attentat d'Oklahoma City, commis par des militants américains d'extrême-droite le 19 avril 1995.
Depuis ce jour, où 168 personnes dont 19 enfants ont été tués dans l'explosion d'un camion contre un bâtiment fédéral de cette ville du centre des Etats-Unis, Oklahoma City est synonyme de la terreur que peuvent faire régner les groupuscules extrémistes.
Or, avertit Bill Clinton, président à l'époque de l'attentat, le climat politique très tendu qui prévaut aujourd'hui aux Etats-Unis ressemble fort à celui qui régnait juste avant avril 1995.
"Diaboliser le gouvernement" fédéral "et légitimer la violence" pourrait bien se traduire par des actes tout aussi violents, a insisté M. Clinton vendredi lors d'un discours. "Laisser le débat s'abreuver de haine risque de nous faire perdre de vue notre humanité commune". Selon Heidi Beirich, directrice de recherche au Southern Poverty Law Center, qui traque les activités des milices d'extrême-droite, ces groupes et groupuscules ont connu une expansion sans précédent.
De 149 en 2008, leur nombre est passé à 512 l'an dernier, dont 127 s'adonnent à des activités paramilitaires. D'après Mme Beirich, deux facteurs ont joué: la crise économique qui touche l'Amérique depuis l'automne 2007 et l'éléction de Barack Obama, premier président noir des Etats-Unis, en novembre 2008.
Heidi Beirich met en garde: "Nous ne nous attendons pas à un quelconque reflux". Dernier coup d'éclat en date: le 29 mars, la justice a inculpé neuf membres d'une milice chrétienne antigouvernementale, soupçonnés de vouloir lancer une attaque contre la police dans le Michigan (nord des Etats-Unis), berceau de l'industrie automobile américaine, mise à mal par la crise.
Brent Smith, directeur au centre de recherche sur le terrorisme de l'Université d'Arkansas, pousse l'analyse encore plus loin. D'après lui, "il ne manque plus qu'un catalyseur" pour que des militants extrémistes passent aux actes.
Au début des années 1990, deux événements avaient poussé des Américains dans les bras de milices: le siège de la maison d'une famille extrémiste par la police fédérale dans l'Idaho (nord) en 1992, et surtout la tragédie de Waco au Texas l'année suivante, où un affrontement entre forces de l'ordre et membres d'une secte s'était soldé par la mort de 76 personnes dont 20 enfants et le leader du groupe, David Koresh.
Timothy McVeigh, le cerveau de l'attentat d'Oklahoma City, aurait d'ailleurs puisé une bonne partie de sa haine antigouvernementale dans les événements de Waco. Mais Brent Smith assure que le gouvernement fédéral a appris de ses erreurs. "Tout dépend de la façon dont le gouvernement gère ces dossiers. Je pense que la menace peut être contenue", dit-il.
Lundi, pour les 15 ans de la tragédie, c'est dans l'"unité" qu'Oklahoma City veut commémorer l'attaque qui avait coûté la vie à 168 personnes, explique Kari Watkins, directrice du mémorial et du musée de la ville, érigés en mémoire des victimes et où auront lieu les célébrations à partir de 13H55 GMT.
"J'espère que les Américains vont se remémorer l'unité dont avait fait preuve le pays après l'attentat d'Oklahoma City et travailler à la restaurer. Rien ne peut justifier ce qui s'est passé à Oklahoma City", dit-elle.