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| Subject: Enfin une voix intelligente parmi les constitutionnalistes Sun Jan 30, 2011 5:02 pm | |
| On peut très facilement avoir un gouvernement de plein exercice sans réforme de l'Etat. Et après on organise des élections enfin libres auxquelles peuvent aussi participer les 40% d'unitaristes !LE SOIR Un arrêté royal suffit pour sortir des affaires courantes
vendredi 28 janvier 2011, 12:52
Christian Behrendt, Professeur de droit constitutionnel à l'Université de Liège, estime qu'on peut très facilement et très rapidement sortir du régime d'affaires courantes pour à nouveau doter le pays d'un gouvernement de plein exercice. DR
Beaucoup de mandataires politiques considèrent à raison que le problème le plus urgent pour l'heure est le fait que le gouvernement fédéral se trouve limité à l'expédition des affaires courantes. Or, pour mettre fin à cette situation de prérogatives réduites et doter le pays à nouveau d'un gouvernement de plein exercice, le droit constitutionnel belge offre un remède très simple : il suffit d'adopter un seul arrêté royal. Cela peut se faire en un jour – pourvu que la volonté politique pour ce faire existe.
Suite à l'échec des négociations à sept partis et la démission du conciliateur royal ce 26 janvier, beaucoup de responsables politiques considèrent que l'un des problèmes les plus aigus pour l'heure est l'absence, depuis le mois d'avril déjà, d'un gouvernement de plein exercice. Dans ce débat, un élément de droit constitutionnel me semble insuffisamment connu : c'est que le droit constitutionnel belge met à la disposition des responsables politiques un moyen juridique très simple pour sortir de l'étroit corset des affaires courantes.
En effet, pour à nouveau doter le pays d'un gouvernement de plein exercice, il suffit que le Roi édicte, sur base de l'article 96, alinéa 1er, de la Constitution, un arrêté royal aux termes duquel il refuse officiellement la démission de son Premier ministre.
Pour bien comprendre la portée de cette possible solution, il faut savoir deux choses. D'une part, il importe d'avoir à l'esprit que le droit constitutionnel belge fait une importante distinction entre la démission officieuse et la démission officielle du Premier ministre. Juridiquement, seule la seconde compte : c'est elle qui met fin à sa fonction. Or, à ce jour, M. Leterme a certes démissionné officieusement – le Roi a accepté cette demande le 26 avril dernier – mais officiellement, aucun acte de démission n'a encore été posé : la meilleure preuve en est qu'il est toujours en poste. Contrairement à la démission officieuse, qui se fait par simple communiqué du Palais, la démission officielle nécessite par ailleurs l'adoption d'un arrêté royal publié au Moniteur – et pour M. Leterme, un tel arrêté n'existe pas.
La seconde chose qu'il faut savoir – et elle est encore plus fondamentale que la première – c'est que le Roi a parfaitement le droit de refuser officiellement une démission qu'il a pourtant préalablement acceptée d'une manière officieuse ; en d'autres termes, la démission officieuse du Premier ministre ne conduit pas nécessairement à sa démission officielle. Plusieurs précédents en ce sens existent. C'est le cas notamment, en 2007, de l'épisode de Guy Verhofstadt : le Roi, après avoir officieusement accepté sa démission le 11 juin, la refuse officiellement le 21 décembre (1). Et d'autres exemples peuvent être cités, notamment au cours des différents gouvernements Martens.
En d'autres termes, à l'heure actuelle, le Roi peut toujours décider de refuser officiellement la démission de M. Leterme. Pour cela, il faudrait qu'il édicte un arrêté royal, muni de deux signatures : la sienne et celle du Premier ministre. Cela peut se faire, publication au Moniteur belge comprise, en un jour. Dès la publication de l'arrêté royal au Moniteur, le gouvernement fédéral serait libéré du carcan des affaires courantes et retrouverait sa pleine capacité d'action. À coté de cet arrêté royal, l'accomplissement d'aucune autre formalité ne serait nécessaire : le Roi et le Premier ministre n'auraient notamment point besoin du feu vert de la N-VA, et à strictement parler, le Premier ministre ne serait pas non plus obligé de solliciter un vote de confiance à la Chambre des Représentants (2).
La crise actuelle de notre pays est d'une exceptionnelle gravité. Les éléments juridiques qui précèdent me paraissent importants, et potentiellement utiles au débat actuel : voici une possible solution, conforme à la Constitution. Bien sûr, certains pourraient la tenir pour politiquement irréaliste ou considérer qu'elle est onbespreekbaar. Mais ceux qui balayent, lors de tels moments graves de la vie nationale, d'un simple revers de la main les rares pistes qui demeurent juridiquement possibles pour mettre rapidement fin aux difficultés d'action qui accablent le gouvernement fédéral peinent de plus en plus à convaincre qu'ils sont encore disposés à lui porter sincèrement secours.
Christian Behrendt, Professeur de droit constitutionnel à l'Université de Liège (1) Arrêté royal du 21 décembre 2007, Moniteur belge du même jour.
(2) Il est vrai que, traditionnellement, lorsque le Roi refuse officiellement la démission de son Premier ministre, celui-ci se rend à la Chambre pour y demander la confiance, mais aucun article de la Constitution ne l'exige formellement. Cette absence d'obligation se comprend, puisque la Chambre peut de toute manière procéder à un tel vote de sa propre initiative ; l'actuel gouvernement Leterme y dispose d'ailleurs toujours d'une majorité de sièges (83 sur 150). | |
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