LA LIBRE BELGIQUE
La Belgique n’est pas un petit pays
Baudouin de Callatay (Ambassageur Hre)
Mis en ligne le 05/02/2010
Notre pays est un membre important de l’UE. La Belgique ne doit donc pas jouer profil bas. Nous contribuons aux institutions mondiales, à la coopération, aux efforts militaires de par le monde.
C’est un lieu commun de dire que la Belgique est un petit pays. Chacun en Belgique partage cet avis de bonne foi comme étant une évidence. Même les Belges les plus attachés à leur pays répètent ce lieu commun. Nos hommes politiques n’ont jamais été en reste à cet égard. Surprise, tout récemment, notre Premier ministre a déclaré que la Belgique n’était pas un petit pays Il a pleinement raison et voici pourquoi.
Essayons tout d’abord d’évaluer "le poids" de la Belgique parmi les vingt-sept pays que compte l’Union européenne. Les paramètres traditionnels de base pour ce faire sont la population et la superficie. En population, quatorze pays de l’UE sont moindres que la Belgique. Quatre ont une population équivalente et huit seulement sont plus nombreux. Déjà ici, le concept de "petite Belgique" est erroné. En superficie, il est vrai, notre pays n’est pas fort grand. Cette caractéristique confère toutefois à la Belgique et dans son cas à elle une position tout à fait centrale au carrefour des trois grands pays de l’UE, à savoir, la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni, et au carrefour de quatre grandes cultures si l’on ajoute les Pays-Bas.
Dans un monde qui se développe toujours davantage en termes de services, il y a bien d’autres paramètres qui entrent en jeu, des paramètres politiques, économiques, financiers, de niveau de vie, qu’il serait fastidieux d’énumérer ici. Disons seulement qu’avec ces paramètres, la Belgique se situe très bien au sein de l’UE.
Ajoutons encore ceci. D’abord, la Belgique est un pays fondateur de l’UE et elle en possède à ce titre un grand savoir-faire. Ensuite, la Belgique est le siège principal des institutions européennes, ce qui veut dire très concrètement que quasi-tout Européen travaillant pour la cause européenne vit à Bruxelles ou, du moins, s’y rend très souvent. Enfin, cette immense richesse d’être un pays qui connaît à la fois la culture latine et germanique fait de la Belgique un naturel go-between parmi les pays de l’UE. Il en découle que la Belgique apparaît comme une sorte de symbole de l’Europe et la nomination d’Herman Van Rompuy comme premier président de l’Europe en est l’exemple éclatant.
La Belgique ne doit donc pas jouer profil bas. Notre pays est un membre important de l’UE. Parmi les vingt-sept pays qui la composent, il n’est pas exagéré de dire que nous nous trouvons parmi les pays qui suivent de près les trois grands pays de l’UE. En termes diplomatiques quotidiens, cela veut dire que tout délégué belge qui siège dans une des très nombreuses réunions des Vingt-sept qui ont lieu si souvent et sur tant de sujets, peut garder la tête haute.
Au niveau mondial, par exemple aux Nations unies à New York, la même constatation peut être faite. Pensons ici à notre contribution aux institutions mondiales, à la coopération, aux efforts militaires de par le monde. La Belgique se trouve dans les 25 ou 30 pays qui comptent.
Mais alors pourquoi ce complexe, cette impression récurrente d’être petit, cet auto-dénigrement, cette modestie ? Cela vient de différents facteurs et chacun aura son idée là-dessus. Disons ceci. Au carrefour des trois grands pays européens déjà cités, la Belgique peut effectivement apparaître petite dans cette optique. Il y a nos querelles communautaires qui laissent une impression de faiblesse. Il y a notre méconnaisance de l’histoire, notre absence de chauvinisme, notre absence de fierté et de consensus national qui ont comme conséquence que ce sont les autres qui en imposent.
Pour l’observateur non averti, la Belgique apparaît comme une anomalie, un endroit sans couleur, restée par hasard en rade de l’histoire dans les marges d’autres pays, sans identité précise par rapport à ses voisins qui, eux, en ont une bien définie.
Qu’en est-il de notre histoire, de notre identité nationale ? C’est une question importante car l’image que l’on en a forge à la longue l’âme des peuples et des gouvernants et nous situe dans l’espace et dans le temps.
Quand on voyage à travers l’Europe et que l’on considère les 2000 ans de notre ère et cela avec l’œil d’un Occidental, il apparaît vite que le cœur du continent européen, dans le sens où c’est là que passe le maximum de l’intensité des échanges de toute nature, économiques, politiques, diplomatiques, militaires, commerciaux, culturels, humains, religieux, que ce cœur se situe dans ce vaste territoire qui comprend actuellement la France, le monde allemand, l’Italie septentrionale et les trois pays du Benelux. Ce n’est pas un hasard si ce territoire est à peu près le même que l’Europe de Charlemagne et aussi celui des débuts de la construction européenne dans les années 50.
Il est remarquable de constater que, dans ce vaste territoire dont trois grands pays actuels (France, Allemagne et Italie) ont émergé au cours de l’histoire, les Pays-Bas historiques, à savoir la Hollande au nord et la Belgique au sud, ont su garder une très grande spécificité. N’est-ce pas parce que ces Pays-Bas historiques ont une telle valeur tant politique, économique que culturelle ?
Dans le livre "Voyage historique et pittoresque dans la Belgique" du début du XIXe siècle (qui comprend la Belgique actuelle et un peu du nord de la France), notre pays est porté au pinacle. Parmi un florilège de qualités, il est dit entre autres que "la Belgique est le pays le plus peuplé, le plus riche et le plus florissant de l’Europe entière".
Décidément, la Belgique n’est pas petite, ni en population, ni dans le concert européen, ni dans le concert mondial, ni par son histoire, ni moins encore par sa culture. La Belgique est certainement l’un des pays où l’on trouve la plus grande densité culturelle en Europe. Et qui dit culture, dit qualité de vie et niveau de développement.
On dit également souvent "petites gens, petits Belges". Qu’en est-il ? Sommes-nous incolores, petits, sans identité par rapport à nos voisins, pourquoi alors un Belge a-t-il été choisi pour être le premier président de l’Europe ? Pourquoi si souvent le Belge est-il le candidat idéal pour d’importants postes internationaux ? Herman Van Rompuy a beaucoup de qualités : sérieux, travailleur, modéré, grande intelligence, sans bling bling, authentique, vrai, discret, le savoir-faire et le savoir taire, irréprochable, ayant des convictions fortes, sans chauvinisme, dévoué à la chose publique tout en cultivant d’autres valeurs Est-il exagéré de dire que l’on y retrouve bien des qualités typiquement belges ? Alors, un grand merci Monsieur Van Rompuy. Vous illustrez combien les qualités belges sont appréciées chez les observateurs avertis. Et en même temps, vous illustrez qu’en politique, ce n’est pas nécessairement l’image, le parler fort et vide, l’arrogance, le bling bling, la démagogie, les frasques, l’aspect people qui génèrent le respect pour l’homme politique. En fin de compte, la Belgique et le Belge ont bien tort de se dénigrer à plaisir.