Gonda
Number of posts : 377 Location : Chez Laurette, c'était chouette Registration date : 2009-09-30
| Subject: Lu dans Le Monde (PDF) ce soir Fri Mar 18, 2011 3:49 am | |
| Comment peut-on être belge ? - Charles Bricman chez Flammarion, 124 p, 16 € - Quote :
- Elle a longtemps suscité si peu d’intérêt que ses habitants s’étonnent de la soudaine émotion de leurs voisins face aux péripéties politico-institutionnelles de la Belgique. Ailleurs,on croit distinguer dans les tourments du royaume les indices de menaces à venir: la montée d’un nationalisme revanchard, l’éclosion d’un égoïsme identitaire. Ou encore la contestation du principe des transferts d’argent des plus riches vers les moins nantis; en clair, de la solidarité, qu’elle se manifeste au sein d’un ensemble national ou d’une structure multinationale – comme l’Union européenne.
La Belgique ne serait donc pas la gentille démocratie que l’on croyait, mais le laboratoire d’une Europe en voie de fragmentation, guettée par des fantômes d’un passé pas si lointain ? Certes. Mais les causes de ce qu’elle vit sont multiples et anciennes. Et seul un fin connaisseur de ce pays, de ses particularités et de ses contradictions peut aider à les comprendre. Charles Bricman, juriste devenu journaliste, puis chroniqueur indépendant, est un esprit libre qui suit depuis près de quarante ans la vie politique de son pays. «J’y ai trouvé de l’intérêt, mais pas vraiment de plaisir et encore moins d’enthousiasme», prévient-il. Le lecteur, lui, trouvera de l’intérêt mais aussi du plaisir à lire cet essai, bref mais bien ciblé, à cent lieues du plaidoyer idéologique ou de la démonstration sur l’air de « je vous l’avais bien dit ». L’auteur se déclare «plutôt belge que nationaliste», car c’est ainsi dans son pays: on s’y définit par défaut. Dans la partie francophone du moins, car, en Flandre, le long combat pour le respect de l’identité et de la langue porte ses fruits. On s’y déclare fièrement comme «flamand d’abord». Toutefois, ajoute Charles Bricman, si l’on se réfère encore à l’idéal millénariste de la Republiek Vlaanderen, on sait bien, aujourd’hui, que l’essentiel n’est plus là et que les enjeux de la «guerre des Belges » sont du côté de l’économie, de la finance, et donc de la politique. L’auteur souligne la vanité du débat sur le caractère artificiel, ou non, de ce royaume dont Talleyrand prophétisait, dès 1831, qu’il ne «pourrait tenir»…Il cerne avec justesse comment la question des langues fut déterminante et comment, mal gérée, elle a distillé son venin, faisant en sorte que cette nation soit constamment «en guerre contre elle-même », devenant finalement «une vieille belle-mère de plus en plus gâteuse et compulsivement chichiteuse ». Il évoque ensuite le risque de partition. Mais pour estimer qu’en tant qu’entité politique la Belgique n’existe en fait déjà plus. Néanmoins, elle survivra, parce que ses communautés sont en fait inséparables, « jumelles siamoises qui n’ont qu’un seul cœur à leur disposition, Bruxelles», prophétise-t-il. Comme il se dit convaincu qu’en toute hypothèse Flamands et Francophones ne seront jamais tentés par la violence, le chroniqueur promet aux Belges « une vague somnolence peuplée de cauchemars ». Dont celui-ci : comment cette démocratie, qui ne dégage que des solutions provisoires, financera-t-elle son coûteux État-providence? Si ,comme le pense Bricman, la vie commune des Belges se poursuit donc malgré tout, elle ne sera décidément pas une sinécure…
Jean-Pierre Stroobants | |
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