MARTINE VANDEMEULEBROUCKE
Oser affronter le racisme linguistique
jeudi 04 juin 2009, 11:41
C'est un peu l'arroseur arrosé : en 2004, le Vlaams Belang avait fait annuler la loi anti-discrimination parce que la langue n'était pas mentionnée en tant que telle parmi les motifs de discriminations punissables. On a dû réécrire la loi et aujourd'hui la discrimination linguistique est reconnue pour la première fois par la Justice, au profit des francophones (ceux de Hal, privés de droit d'affichage de leurs listes). Les manifestants du Belang qui injuriaient les candidats francophones à Hal le 22 mai ne doivent pas apprécier.
Bien sûr, il ne s'agit que d'une décision en référé. Bien sûr, la cour d'appel pourrait ne pas suivre le même raisonnement. Il n'empêche, c'est une brèche qui a été ouverte par un juge (flamand) dans le contentieux communautaire, même s'il est difficile d'en mesurer toutes les conséquences. Jusqu'ici, les litiges contre certains règlements communaux ou régionaux jugés devant la chambre flamande du Conseil d'Etat n'ont jamais été favorables aux plaignants francophones qui s'estimaient discriminés en tant que francophones. Ici, c'est l'atteinte aux droits subjectifs, découlant de la Convention européenne des droits de l'homme, qui a fait l'objet de débat devant la justice. La distinction est essentielle car on touche ici aux droits fondamentaux. On ne peut pas écarter quelqu'un de l'accès au logement, à la propriété, au droit d'élire ou d'être élu en raison de son origine et de sa langue.
Les autorités flamandes avaient déjà reçu un avertissement en la matière avec le dernier rapport de la Commission européenne contre le racisme. Attention à la discrimination potentielle, disait le Conseil de l'Europe, à propos du « Wooncode ». En voici un autre. La discrimination linguistique, c'est le poil à gratter de notre système de lutte contre toute forme de ségrégation. Il n'y a toujours aucun organisme pour accompagner les plaintes des victimes potentielles alors que la loi le prévoit. Le sujet est trop sensible dans un pays miné par les tensions communautaires. Alors on fait le gros dos devant les chants (racistes) antiwallons. On détourne la tête quand des politiques incitent au rejet de l'autre communauté linguistique. Il faudra pourtant apprendre à faire face et à réagir.
Le terme de "racisme linguistique" a été lancé par le B.U.B.. Nos idées progressent. C'est ça l'essentiel, quel que soit le résultat du scrutin de dimanche.