Est-ce que le président Sarkozy suivra la voie royale?
LE SOIR
Sarkozy relance son règne au Château
JOELLE MESKENS
lundi 22 juin 2009, 12:25
Le président dans le costume du roi-soleil ? L’opposition raille le « discours du trône »… Le congrès des élus s’était réuni l’an dernier pour ratifier le Traité de Lisbonne. Mais c’est la première fois qu’un président
PARIS
DE NOTRE ENVOYÉE PERMANENTE
La symbolique a de quoi remuer. Le président de la République au château de Versailles ! Plus choquant, pour certains, que l’exposition des sculptures de Jeff Koons en ces mêmes lieux. « Un discours du trône », moque déjà l’opposition. En convoquant ce lundi les neuf cent vingt députés et sénateurs en congrès, Nicolas Sarkozy entend lancer en grande pompe la seconde moitié de son quinquennat. Après les élections européennes (où son parti l’UMP est arrivée en tête, très loin devant le parti socialiste et le MoDem de François Bayrou), le moment est parfaitement choisi, flatte le Premier ministre François Fillon, soucieux lui aussi de profiter de l’embellie dans l’opinion. L’occasion de relancer la machine politique avant un remaniement ministériel d’ici à mercredi. Deux ministres au moins sont partants : Rachida Dati (Justice) et Michel Barnier (Agriculture), élus au Parlement européen.
L’Elysée a peaufiné un discours sur la France, l’Europe et les futurs grands chantiers socio-économiques. L’objectif : donner du sens à l’après-crise alors que le pays est toujours en récession. Une manière, surtout, de préparer l’opinion à de nouvelles réformes et par là, de tracer la route vers la prochaine course présidentielle. Après la percée des Verts en Europe, l’environnement et la croissance verte devraient être l’un des grands axes de cette feuille de route. Il serait aussi question d’aménagement du territoire, de réforme des collectivités locales et du sort des seniors. Depuis quelques jours, la droite lance des ballons d’essai sur un éventuel report de l’âge de la retraite. Mais revenir sur la retraite à soixante ans, un acquis social historique du premier mandat de François Mitterrand, demeure tabou en France. La laïcité aussi devrait être au cœur du discours. En pleine polémique sur l’opportunité d’interdire ou non la burqa, Nicolas Sarkozy veut s’emparer du débat.
En pleine Obamania dans l’Hexagone, le congrès de Versailles inaugure une sorte d’« état de l’Union » à l’américaine. A moins qu’il ne s’agisse d’un nouveau discours de politique générale ? Ce ne serait pas la première fois que le chef de l’Etat, surnommé l’« hyperprésident », éclipserait le Premier ministre… Deux prédécesseurs de Nicolas Sarkozy à l’Elysée, Valéry Giscard d’Estaing et Jacques Chirac, ont même été conviés. C’est dire la portée prêtée à l’événement.
Il faut dire qu’il s’agit d’une grande première dans l’histoire de la Ve république. Jusqu’alors, jamais un président n’avait eu le droit de s’adresser directement aux Assemblées. Depuis 1875, il était interdit au chef de l’Etat de parler aux élus pour éviter qu’il leur dicte sa volonté. Une façon de cimenter la séparation des pouvoirs. Seul un message du président pouvait être lu, comme lorsque Mitterrand avait engagé la France dans la guerre du Golfe, par exemple. Nicolas Sarkozy s’est lui-même taillé le costume du roi. Il avait fait voter – à une voix près : celle du socialiste Jack Lang ! – cette réforme constitutionnelle il y a un an pour lui permettre de s’adresser quand il le souhaiterait aux élus.
Mais au château, le chef de l’Etat ne sera pas forcément en cour. Les Verts et les communistes ont carrément décidé de boycotter le rendez-vous, même si certains d’entre eux, comme l’écologiste Dominique Voynet, regrette ce « réflexe pavlovien » anti-Sarkozy Et si les socialistes se sont finalement mis d’accord pour faire le voyage de Versailles « par respect pour les institutions », ils rentreront à Paris dès la fin du discours de Nicolas Sarkozy. Pas question pour eux de participer au débat – sans vote – qui suivra l’allocution présidentielle. Chaque groupe parlementaire aura le droit de s’exprimer pendant dix minutes mais devant le seul Premier ministre, Nicolas Sarkozy ne participant pas au débat. « Une mascarade », selon les socialistes.
L’opposition critique aussi le coût de ce congrès : plusieurs centaines de milliers d’euros. « C’est cher, pour l’équivalent d’une conférence de presse », raillent les Verts.